«J’aimerais rappeler aussi, de mon côté, quel fut le rôle d’Esteban dans l’histoire de la poésie des années 70, comme rassembleur et découvreur de puissantes paroles qu’ont recueillies les vingt-quatre numéros de la revue Argile, dont il fut le directeur, depuis l’hiver 1973 jusqu’à la dernière livraison du printemps 1981 dont le sommaire comportait, entre autres, un hommage à Christian Dotremont. J’ai là sous mes yeux la presque totalité de cette collection, publiée par les soins de Maeght Éditeur, avec cette belle et sobre couverture de Raoul Ubac dont seule la couleur changeait à chaque fois. Le secrétaire de rédaction fut jusqu’à la fin Jean-Claude Schneider, que rejoignit, dès 1978, Noëlle Réveillaud. Argile est un exemple magnifique de ce qu’une revue de poésie peut révéler, non seulement de l’activité de la poésie à une époque, mais, plus largement, de la vie culturelle et artistique de cette époque, de ses obsessions et de ses ressources, comme aussi bien du rapport étroit que la création poétique entretient avec les autres arts : la peinture, la philosophie, en particulier, ainsi qu’avec le domaine étranger. C’est dans Argile, par exemple, que j’ai lu mes premiers textes de Mandelstam, de Linhartova, de Silvia Plath, de Quasimodo, de Walser… Comme aussi bien de Guez-Ricord, de Jean-Luc Nancy ou d’Anne-Marie Albiach…» Jean-Marie Barnaud.