Va-t-en-guerre

Va-t-en-guerre


« Va-t-en-guerre », substantif invariable synonyme de « belliciste », ou — selon le Larousse — un « Fanfaron toujours prêt à combattre », est un terme du registre familier. Il a son origine dans la langue parlée, mais son destin est étroitement lié à celui d’une chanson élaborée au dix-huitième siècle, que les enfants doivent connaître. Les deux se distinguent par un « t » euphonique : s’agit-il d’une coïncidence ?


Mort et convoi de l’invincible Malbrough


Malbrough s’en va-t-en guerre
Mironton, mironton, mirontaine,
Malbrough s'en va-t-en guerre
Ne sait quand reviendra (bis)


Il reviendra-z-à Pâques
Mironton, mironton, mirontaine
Il reviendra-z-à Pâques
Ou à la Trinité (bis)


La Trinité se passe,
Mironton, mironton, mirontaine,
La Trinité se passe
Malbrough ne revient pas (bis)


Madame à sa tour monte
Mironton, mironton, mirontaine,
Madame à sa tour monte
Si haut qu'elle peut monter (bis)


Elle voit venir son page,
Mironton, mironton, mirontaine,
Elle voit venir son page
Tout de noir habillé (bis)


Beau page, mon beau page
Mironton, mironton, mirontaine,
Beau page, mon beau page
Quelles nouvelles apportez ? (bis)


Aux nouvelles que j'apporte
Mironton, mironton, mirontaine,
Aux nouvelles que j'apporte
Vos beaux yeux vont pleurer (bis)


Quittez vos habits roses
Mironton, mironton, mirontaine,
Quittez vos habits roses
Et vos satins brochés (bis)


Monsieur Malbrough est mort
Mironton, mironton, mirontaine,
Monsieur Malbrough est mort
Est mort et enterré (bis)


J'l'ai vu porter en terre,
Mironton, mironton, mirontaine,
J'l'ai vu porter en terre
Par quatre-z-officiers (bis)


L'un portait sa cuirasse
Mironton, mironton, mirontaine,
L'un portait sa cuirasse
L'autre son bouclier (bis)


L'un portait son grand sabre,
Mironton, mironton, mirontaine,
L'un portait son grand sabre
L'autre ne portait rien (bis)


A l'entour de sa tombe
Mironton, mironton, mirontaine,
A l'entour de sa tombe
Romarin fut planté (bis)


Sur la plus haute branche
Mironton, mironton, mirontaine,
Sur la plus haute branche
Un rossignol chantait (bis)


On vit voler son âme
Mironton, mironton, mirontaine,
On vit voler son âme
Au travers des lauriers (bis)


La cérémonie faite
Mironton
La cérémonie faite
Chacun s'en fut coucher (bis)


Les uns avec leurs femmes
Mironton, mironton, mirontaine,
Les uns avec leurs femmes
Et les autres tout seuls !


J'n'en dis pas davantage
Mironton, mironton, mirontaine,
J'n'en dis pas davantage
Car en voilà-z-assez (bis)


De nombreuses versions de la chanson « Malbrough » — on trouve aussi l’orthographe « Malbroug », « Malbrouk », « Marlbrouk », « Malbrouck » … — existent et les paroles en sont évidemment composites, mais ce qui frappe est le contraste entre les premiers couplets au ton martial, sérieux, voire tragique (que vient adoucir le refrain), et les derniers, en décalage avec ce qui les précède, au ton étrangement léger. Finalement, ce pauvre Malbrough mort et enterré semble provoquer plus d’indifférence que de peine, ce qui provoque un sentiment d’ironie. En tous cas, comme le dit l’adage, la vie continue !

La chanson a pour source d'inspiration directe le supposé décès du duc de Malborough, dans son château à la suite d'une blessure obtenue lors la bataille de Malplaquet, en 1709. Si, en réalité, ce dernier survécut à sa blessure, il est vraisemblable que l'annonce prématurée de la mort de l'ennemi fut fêtée par le peuple français qui avait dû verser son sang pour l'affronter.

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Le dix-huitième siècle, comme les autres, en effet, ne manqua pas de guerres. Voltaire, dans son Dictionnaire philosophique (1764), exposa les mécanismes de celles-ci avec une grande ironie :


Un généalogiste prouve à un prince qu’il descend en droite ligne d’un comte dont les parents avaient fait un pacte de famille, il y a trois ou quatre cents ans avec une maison dont la mémoire même ne subsiste plus. Cette maison avait des prétentions éloignées sur une province dont le dernier possesseur est mort d’apoplexie : le prince et son conseil concluent sans difficulté que cette province lui appartient de droit divin. Cette province, qui est à quelques centaines de lieues de lui, a beau protester qu’elle ne le connaît pas. qu’elle n’a nulle envie d’être gouvernée par lui ; que, pour donner des lois aux gens, il faut au moins avoir leur consentement : ces discours ne parviennent pas seulement aux oreilles du prince, dont le droit est incontestable. Il trouve incontinent un grand nombre d’hommes qui n’ont rien à perdre ; il les habille d’un gros drap bleu à cent dix sous l’aune, borde leurs chapeaux avec du gros fil blanc, les fait tourner à droite et à gauche et marche à la gloire.
Les autres princes qui entendent parler de cette équipée y prennent part, chacun selon son pouvoir, et couvrent une petite étendue de pays de plus de meurtriers mercenaires que Gengis Khan, Tamerlan, Bajazet n’en traînèrent à leur suite.
Des peuples assez éloignés entendent dire qu’on va se battre, et qu’il y a cinq à six sous par jour à gagner pour eux s’ils veulent être de la partie: ils se divisent aussitôt en deux bandes comme des moissonneurs, et vont vendre leurs services à quiconque veut les employer.
Ces multitudes s’acharnent les unes contre les autres, non seulement sans avoir aucun intérêt au procès, mais sans savoir même de quoi il s’agit.
Il se trouve à la fois cinq ou six puissances belligérantes, tantôt trois contre trois, tantôt deux contre quatre, tantôt une contre cinq, se détestant toutes également les unes les autres, s’unissant et s’attaquant tour à tour ; toutes d’accord en un seul point, celui de faire tout le mal possible.
Le merveilleux de cette entreprise infernale, c’est que chaque chef des meurtriers fait bénir ses drapeaux et invoque Dieu solennellement avant d’aller exterminer son prochain.


L’idée principale, que les participants sont entraînés dans l’engrenage de la guerre pour répondre au caprice futile de quelques princes, n’est pas nouvelle, mais l’écrire suppose encore de prendre un certain nombre de précautions, comme celle de choisir les peuplades « barbares » des lointaines steppes asiatiques en guise d’exemple. Lorsque Voltaire souligne l’ironie accompagnant l’issue tragique de la guerre pour mieux dénoncer la responsabilité de ceux qui en sont à l’origine (Le merveilleux de cette entreprise infernale...), il dévoile sa véritable cible, qui est évidemment les princes européens.

Relevons qu'il n'existe pas, chez Voltaire, de terme spécifique pour désigner les coupables : si « chef des meurtriers » convient tout à fait, puisque le contexte permet d'en saisir toute la signification, l'expression est en elle-même insuffisante pour désigner spécifiquement celui — ou ceux — qui causent la guerre : c'est justement ce vide de la langue que va combler « va-t-en-guerre ».


En 1781, dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, la musique de Malbrough est utilisée, avec la précision suivante figurant dans le texte imprimé (à l’acte II, scène IV) : « AIR : Marlbroug s’en va-t-en guerre. »

Voici trois tirets définitivement sanctionnés par l'écrit.

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Le dix-neuvième siècle n'oublie ni la chanson, ni la figure de Malbrough.

Les paroles et l’air de la première sont bien entendu édités dans de nombreux ouvrages savants, ou des anthologies, telle Les chansons d’autrefois : vieux chants populaires de nos pères, de Charles Malo, publié en 1861 et dont les bandeaux en tête des chapitres sont de Gustave Doré.

Dans la littérature féconde de l'époque, la figure de Malbrough est quant à elle le plus souvent utilisée dans un registre tragi-comique.

Il faut peut-être en chercher la cause dans une anecdote rapportée par Victor Joly dans son livre Mensonges et réalités de la guerre d’Orient (1855), reprenant — à charge— un témoignage de Marco de Saint-Hilaire à propos de Napoléon.

Napoléon, écrit-il, « ne manquait jamais, en mettant le pied à l’étrier, de chantonner entre les dents, avec la voix la plus fausse qui fût dans son empire de quatre-vingts millions de sujets, la romance populaire de Malbrouck s’en va-t-en-guerre. ».

Et Joly conclut ainsi sur la campagne de Russie :

Or, cette fois, Malbrouk revint, mais houspillé de telle façon que l’humanité en frémit. Il avait laissé derrière lui dans les neiges de Russie plus de quatre-cent mille hommes [...]

La référence à Malbrough pour railler l’Empereur est également présente dans La Guerre et la Paix, de Tolstoï, publié en feuilleton entre 1865 et 1869 (« Marlbrough s’en va-t-en guerre, ne sait quand reviendra. »).

Il ne fait aucun doute que la chanson de Malbrough fut alors entonnée par les soldats français, comme l’attestent pour le second Empire Les Fastes de l’Armée Française depuis la Campagne de Crimée jusqu’à celle du Mexique, 1854-1865, de Louis Maxime Guffroy (1865) : ses paroles s’y trouvent mêlées à celles d’autres chansons populaires, dans « Têtes dans un bonnet de coton. Bouille-à-baisse musicale en 33 couplets ». Ainsi les combattants pouvaient tout à la fois affirmer leur volonté d’en découdre et railler la Providence, leurs généraux, ou l’empereur...

Il est cependant difficile de déterminer quand cela commença, la force des paroles de Malbrough étant leur caractère ambigu, voire quelque peu mystérieux.

Dès le Directoire, on trouve des variantes du chant populaire dans lesquelles Malbrough est remplacé par tel ou tel sanguinaire belliqueux, comme le montre, entre autres, l’Histoire du Directoire de Granier de Cassagnac (Plon, 1863), citant une « chanson sur le coup d’État »  :


Barras s’en va-t-en-guerre,
Juste ciel, mon cœur tremble et se serre ;
Barras s’en va-t-en-guerre,
Rewbell y va-t-aussi.
Rewbell y va-t-aussi,
Et puis La Réveillière
[...] (tome deuxième, p. 400)


Comme chez Tolstoï, la référence à Malbrough pouvait aussi être utilisée pour railler un ennemi trop confiant : ainsi en est-il des Anglais, dans Les Iroquois, ou l’île merveilleuse, revue fantastique en un acte de Louis-Francois-Nicolaie Clairville (1839) :


L’Anglais s’en va-t-en guerre,
Mironton ton ton, mirontaine,
L’Anglais s’en va-t-en guerre !
[...] (p. 10)


Le roman Mon oncle Benjamin, de Claude Tillier (1843), raconte un épisode dans lequel la chanson est reprise à l’oral, dans un contexte familial, pour moquer la personne belliqueuse qui recourt à la violence :

Mon grand-père pliait toujours comme un jonc, le brave homme paisible qu’il était, quand s’élevait une bourrasque conjugale. Ce qui peut, jusqu’à un certain point, excuser en lui cette faiblesse, c’est qu’il avait toujours tort.
Il avait bien vu l’orage s’amasser sur le front plissé de sa femme ; aussi le sergent était encore sur le seuil de la porte, que déjà il avait gagné son lit, où il s’introduisit de son mieux. Pour Benjamin, il était incapable d’une telle lâcheté. Un sermon en cinq points, comme une partie d’écarté, ne l’eût pas fait coucher une minute avant son heure. Il voulait bien que sa sœur le grondât, mais il ne consentait pas à la craindre. Il attendait la tempête qui allait éclater avec l’indifférence d’un écueil, les deux mains dans ses poches, le dos appuyé contre le manteau de la cheminée, et chantonnant entre ses lèvres :
Malbrough s’en va-t-en guerre, Mironton, mironton, mirontaine, Malbrough s’en va-t-en guerre, Savoir s’il reviendra.
Ma grand’mère eut à peine éconduit le sergent, qu’impatiente d’en venir aux mains, elle vint se placer en face de Benjamin.
— Eh bien ! Benjamin, es-tu content de ta journée ? te trouves-tu bien comme cela ? faut-il que j’aille tirer une bouteille de vin blanc ?
— Merci, chère sœur. Comme vous le dites très élégamment, ma journée est finie.
— Belle journée, en effet ; il en faudrait beaucoup comme celle-là pour payer tes dettes. Te reste-t-il au moins assez de raison pour me dire comment vous a reçus M. Minxit ?
— Mironton, mironton, mirontaine, chère sœur, fit Benjamin.
— Ah ! mironton, mironton, mirontaine, s’écria ma grand’mère, attends ! je vais t’en donner, moi, du mironton, mirontaine, – et elle s’empara des pincettes.


Plus tard, la comparaison put encore être utilisée dans d’autres contextes, comme celui des joutes ou critiques littéraires, souvent acerbes. Un article publié dans Polybiblion. Revue bibliographique universelle., vol. 37, 1883 a ainsi recours à Malbrough pour égratigner un auteur véhément, le poète Marc Bonnefoy :


« À la vie, il s'est élancé sur sa plume... J'allais écrire sur son épée. Malbroug s'en va-t-en guerre. En guerre ! Contre « les champions des dogmes de l'erreur » En guerre ! Contre « les bourreaux de la famille humaine. » En guerre ! Contre « les hommes ténébreux » , « les hommes dévorants, » « les hommes carnassiers » (p. 390).


Quoi qu'il en soit, la multiplication d'une référence qui se fait à travers l'emploi d'une expression un peu longue débouche inévitablement sur un néologisme. Il semble que ce fut le cas dès les années 1850, c'est-à-dire au début du second Empire, le lien entre le premier Bonaparte et Malbrough n'y étant certainement pas étranger. L'orthographe n'est pas encore fixée et l'usage à l'écrit demeure très limité, d'abord dans le registre théâtral et chez les critiques.

Dans Jean le cocher, de Joseph Bouchardy (1852), le personnage principal est déjà qualifié de « va-t-en guerre » (Acte II, scène II, p. 24).

En 1860, dans l’Histoire critique et anecdotique de la presse parisienne, de J. F. Vaudin, l’expression « le va-t’en guerre » est employée. L’année suivante, le terme figure, à nouveau pour le théâtre, dans Maurice ou L’amour à vingt ans. Comédie-vaudeville en cinq actes...

À l’extrême fin du siècle, paraît un « roman humoristique et fantaisiste » : Le cruel Vatenguerre. Mémoires d’un grand homme, recueillis, orthographiés et mis en un beau désordre par Caliban [...], d’E. Bergerat, comme feuilleton illustré par Caran d’Ache dans Le Figaro (1897).

Mais il faut encore attendre près d'un demi-siècle pour que « va-t-en-guerre », substantif orthographié avec trois tirets, ne l'emporte vraiment sur les citation et réemplois de la chanson populaire, ou sur la comparaison avec Malbrough.

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La popularité de Malbrough, connu de tous, ne se dément pas à la fin du dix-neuvième siècle et au début du vingtième.

Une des raisons, nouvelles, en est probablement sa présence persistante dans les éditions illustrées à destination de la jeunesse, que ce soit avant ou après la Première Guerre. Parmi celles-ci, citons, notamment : la pionnière, Malbrough s’en va-t-en guerre chez Jules Hetzel (1878) ; Les Héros Comiques : Le Roi Dagobert, Malbrough, Cadet Rousselle, texte d’É. Faguet illustré par Job (1910) ; ou encore, les Chansons de France, réunies par Adolphe Gauvin et illustrées par Malo-Renault : ce dernier album est publié par Hachette en 1922 et sera réimprimé de nombreuses fois par la suite.

Au cœur du premier conflit mondial, celui-là même au sujet duquel il fut longtemps dit que les soldats s’en allaient combattre « la fleur au fusil » (ce qui n’est évidemment pas tout à fait exact), l’inventivité des poilus a recours à la chanson (Théodore Botrel, Les Chants du Bivouac, 1915) :

Guillaum’ s’en va-t-en guerre
(Colossal, ya, ya, colossal)
Comme un tigre en colère
Ou comme un vieux chacal, (ter.)
[...]


À égale distance d’une référence « malbroukiste » et d’un substantif, Charles Derenne fait publier en 1917 par l’Édition française illustrée un roman assez long, intitulé Cassinou va-t-en guerre.

Une expression équivalente est utilisée pour dénoncer les bouchers de 14-18 par L. Marcelin, dans Politique et politiciens pendant la guerre (vol. 2, 1923) : celui-ci intitule son premier chapitre « Les Va-t-en guerre ». Victor Margueritte utilise quant à lui « va-t-en-guerre », orthographié avec trois tirets, dans La « dernière guerre » I. Les criminels (1925).

En 1928, on trouve le même substantif sous la plume de Maurras, qui se plaint d’être traité de « va-t-en-guerre » (Le mauvais traité).

En 1937, Romain Rolland publie son Journal des années de guerre 1914-1919 : « va-t-en-guerre » y est utilisé comme adjectif pour qualifier ses connaissances les plus belliqueuses (La suite, consacrée au second conflit mondial, ne sera publiée qu’en 1952).

À la même période, le substantif est utilisé de nouveau dans un registre théâtral et comique, par exemple dans Ventôse. Comédie en trois actes, de Jacques Deval : la pièce est représentée pour la première fois, le 25 novembre 1927, à la Comédie-Caumartin.

Mais « Va-t-en-guerre », sorti de l’oral et du registre populaire et comique, part à la conquête d’ouvrages « plus sérieux », d’abord pour dénoncer ceux qui voulaient, ou voudraient la guerre, sous la plume de ceux qui clament qu’ils ne la veulent pas. Pendant les années 1950, son emploi évolue vers la synonymie avec « belliciste » ou « belliqueux » : par exemple, dans un contexte peu polémique, sous la plume de l’historien franco-allemand Alfred Grosser, en 1958, dans son ouvrage La démocratie de Bonn : 1949-1957.

Pour autant, Malbrouk n’est pas oublié. En 1971, sort sur les écrans un film américain, adapté par son auteur, Dalton Trumbo, d’un roman de la littérature anti-militariste qu’il a publié en 1939 aux États-Unis : celui-ci est intitulé, comme le livre, Johnny Got His Gun, ce qui est un jeu de mots a priori intraduisible qui fait référence aux affiches de propagande américaines. En Français, le film devient « Johnny s’en va-t-en-guerre » : ayant obtenu le grand prix spécial du Jury à Cannes, il connaît un succès remarquable.

À la fin du siècle, surtout pendant les années 1990 — et pendant la première décennie du siècle suivant — l'emploi du substantif se généralise, que ce soit dans la presse écrite, la littérature « sérieuse » ou les ouvrages scientifiques. « Va-t-en-guerre » est dorénavant utilisé pour désigner tous ceux qui prônent l'entrée en guerre. Ainsi, dans les livres d'histoire, on le trouve indifféremment s'agissant d'Hitler ou de Churchill.

C’est seulement alors que le personnage de Malbrouk et la chanson populaire se trouvent relégués aux livres pour la jeunesse, aux nombreux recueils des Chansons de France...

...


Pour terminer ce rapide tour d’horizon, citons l’album illustré Va-t-en-guerre, de Thierry Dedieu (2012), chez Seuil jeunesse, qui s’adresse aux « 6-9 ans ». En voici le résumé :


Il était une fois un roi qui ne pensait qu’à se battre. Il avait sous ses ordres une armée remplie de soldats et des ingénieurs militaires occupés à inventer de nouvelles armes toujours plus performantes. Mais d’ennemis, il n’avait point. Il fit alors porter une lettre à son voisin le plus proche, contenant une série de gros mots et d’insultes assez moches qu’il lui réservait, et se posta avec ses troupes derrière les créneaux de son château.
Mais son courrier ne provoqua aucune réaction. Désespéré de ne trouver personne à affronter, il se résigna à payer des brigands pour l’attaquer. Mais les mercenaires, quand ils virent tout l’attirail du roi, repartirent chez eux sans livrer bataille. Il eut enfin l’idée de génie : il allait se déclarer la guerre à lui-même ! Branle-bas de combat ! Vous l’aurez deviné : cette histoire finira mal... (site de l’éditeur : [1]).


Cette fable enfantine illustre parfaitement ce qu'est un va-t-en-guerre, en reprenant à la fois 1) la futilité (voire l'inexistence !) de ses raisons par rapport aux conséquences de la guerre (l'ironie exprimée par Voltaire) ; 2) le caractère volontaire et affirmé de son bellicisme (le « va-t-en ») ; et 3) l'inévitable issue tragique, que ce soit pour les autres ou dans ce cas, pour lui-même (la « guerre »)...



Illustration : Malbrough s’en va-t-en guerre, J. Hetzel, Paris, 1878. Dessin de L. Frölich. Image du domaine public, provenant du site Wikimedia Commons[2].)